Le mouvement Nappy, né dans les années 2000 au coeur d’une société américaine toujours divisée par les réminiscences de la ségrégation, est bien loin d’être aussi libérateur qu’il n’y paraît. Présenté comme une libération pour les afro-américaines qui faisaient du lissage de leurs cheveux et autres coupes occidentales une obligation sociale, c’est tout le contraire qu’il met en lumière.
Le Nappy, résultat d’une acculturation mondialisée
Le canon de la beauté, jadis défini par le sculpteur grec Polyclète, en 500 avant Jésus-Christ, n’est plus Hellène, mais bel et bien américain. Qui plus est Hollywoodien. Les corps sveltes et élancés, nourris au Clenbutérol, coiffés selon les mêmes usages.
Assurément, ce canon de beauté ne sera pas le dernier, tout comme celui de Polyclète se voyait déjà concurrencé en son temps par celui de Praxitèle puis, bien plus tard, du sculpteur Musmeci. Le Nappy entendait rompre avec le diktat de la beauté formatée.
Mais qu’a-t-elle au contraire révélé ? Que nous n’avions plus d’identité ! Ni plus ni moins. Alors que nos cultures africaines ont été sapées par les influences occidentales liées à la colonisation, que les cultures africaines n’ont pas résisté aux immigrations et aux acculturations qu’elles engendrent indéniablement, nos coiffures si aériennes, si recherchées, n’existent presque plus.
Le Nappy ou l’uniformisation de la représentation
La coiffure africaine représente avant tout l’appartenance à une ethnie, le signe extérieur d’un statut social. On pouvait jadis déterminer le statut matrimonial d’une personne à sa coiffure.
Aujourd’hui, le Nappy est la démonstration ultime de la perte de sens des hommes et des femmes de type africain, desquels l’on ne veut plus voir une diversité, mais une unicité derrière une couleur de peau et autres caractéristiques physiques.
Comme si le concept de « négritude » de Césaire, Damas et Senghor, n’était plus qu’une appellation d’origine protégée associée aux morphologies. L’uniformisation définitive d’une représentation des peuples africains dans un seul et même esprit.
La diversité n’existe plus, de la même manière qu’elle a tendu à disparaître dans le monde occidental derrière une sorte de supra-culture, d’abord française, puis allemande, puis définitivement anglo-saxonne. Le Nappy est cette nouvelle tendance d’une population américaine en mal de reconnaissance, qui projette sur le monde noir une même uniformisation.
Dans la même tendance que la soft power de leur nation, ils ne font que tenter d’acculturer leurs semblables en dessinant une frontière étanche entre tous ceux qui sont différents. Dans ces aberrations, que sont devenues les coiffures extrêmement techniques des peuls, celles, totalement asymétriques, des Karamo du Nigéria ? Je pourrais en citer des centaines d’autres qui toutes autant, des Himbas jusqu’aux berbères, ont presque totalement disparu.
Se réapproprier nos identités
Il serait temps de nous réapproprier nos identités. D’arborer fièrement les plus belles coiffures qui ont fait la fierté de nos ancêtres. De casser les codes jusqu’à pouvoir nous présenter à un entretien d’embauche avec la coiffure Amasunzu du Rwanda ou avec les noeuds Zoulous ou encore les tresses Fulani.
Ce serait là une véritable révolution culturelle. Celle de la lutte contre la mondialisation culturelle répondant aux mêmes codes. Ce serait débuter un mouvement allant contre l’uniformisation de l’humanité depuis le continent le plus divers de la planète.
C’est justement ce que ne propose pas le Nappy. On assiste dans ses marges à un développement de nouvelles coiffures, une redécouverte de nos styles africains. Mais, dans l’immense majorité, les cheveux naturels portés comme les mouvements d’émancipation afro-américains des années 80, sont la seule proposition faite par le mouvement Nappy.
Une proposition pauvre, discréditant totalement la diversité de nos nations, de nos ethnies pour ne nous ranger que derrière les noms communs d’Afrique, d’Africain, de Noir, là même où on comprend qu’Européen, Asiatique ou Sud Américain ne signifie rien en tant que tel.
Le cheveu, marque identitaire par excellence de nos sociétés ancestrales, doit être le porte drapeau de la reconquête de nos valeurs, de nos histoires. Le cheveu crépu représente bien plus qu’un simple type capillaire. C’est un pendant de notre identité, tout autant que l’est un nom de famille ou une langue.
Communiquer par nos coiffures
Nous reviendrons peut-être un jour à cette capacité que nous avions de connaître l’autre par sa coiffure. Savoir d’où il venait, à quelle ethnie il appartenait et quelle place il occupait dans la société.
Un simple regard, sans même une parole, pourra peut-être un jour suffire à nouveau à affirmer qui nous sommes, en dehors de toute peur du ridicule. Peut-être même, un jour peut-être, verrons-nous sur les télévisions du monde, des hommes politiques et des journalistes, porter les vêtements issus de leur société, qui ne sont pas les costumes trois pièces de la mode occidentale, elle-même uniformisée.
A vous qui me suivez, prenez le pari de recréer vos coiffures et partagez vos photographies sur les réseaux sociaux. Redevenons qui nous sommes, avec fierté ! Surtout, prenons soin de nos cheveux. Toutes les techniques sont bonnes à prendre pour cela. Qu’il s’agisse d’utiliser du beurre de Karité pour hydrater nos cheveux, ou de l’eau de riz pour en favoriser l’éclat, n’écartez rien sous prétexte que ce ne serait pas purement africain.